Le recouvrement de la créance transfrontalière: l’ordonnance de saisie conservatoire du compte bancaire.
Le règlement U.E. no 655/2014, entré en vigueur le 18 janvier 2017, a mis en place la procédure appelée European Account Preservation Order (EAPO) visant à obtenir la délivrance de l’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires des débiteurs transfrontaliers.
A partir du 1er décembre 2020 est également entré en vigueur en Italie le Décret législatif. n. 152 du 26.10.2020 qui a permis d’adapter la législation nationale au règlement susmentionné de manière concrète, afin de faciliter le recouvrement trans-frontalier des créances en matière civile et commerciale.
Pour avoir accès à cette procédure, les conditions suivantes doivent être remplies simultanément : le compte bancaire doit être détenu dans un État membre de l’Union Européenne autre que celui où le créancier est domicilié, la créance faisant l’objet de la demande doit être de nature civile ou commerciale, le créancier ne doit pas avoir déjà engagé une action équivalente dans un autre État et, enfin, doit être en possession d’un titre exécutoire.
Toutefois, cette dernière condition est la seule à pouvoir être satisfaite, étant donné qu’il est également possible d’obtenir la saisie en fournissant à la juridiction compétente la preuve du fumus boni iuris et du periculum in mora à la base de son droit.
Il convient de souligner que l’exigence du fumus boni iuris implique pour le créancier la nécessité de démontrer l’existence d’éléments de nature à faire présumer l’existence de son droit de créance, tandis que le délai de retard indique la nécessité de fournir des preuves suffisantes de l’existence d’un risque réel justifiant le « gel » du compte bancaire du débiteur.
En outre, il convient de souligner que la procédure européenne d’obtention de l’ordonnance de saisie permet d’éviter de convoquer à l’avance le débiteur qui, dès lors, ne sera informé de la saisie conservatoire que lorsque celle-ci aura déjà produit ses effets.
En conclusion, nous pouvons affirmer que cette procédure présente un avantage considérable pour le créancier : l’émission de l’ordonnance à l’insu du débiteur implique l’impossibilité pour le débiteur de soustraire ses fonds à la saisie.
Afin de contrebalancer l’absence d’audition préalable du débiteur, le règlement européen a prévu certains mécanismes de protection, Parmi ceux-ci figure certainement le devoir pour le créancier de constituer une garantie d’un montant suffisant pour empêcher les abus de la procédure et pour assurer la réparation des éventuels dommages subis par le débiteur.
Il est également prévu la possibilité d’instituer une garantie alternative sous une forme admise par le droit de l’État membre à charge du créancier, tandis que le débiteur a la possibilité de s’opposer à l’ordonnance de saisie dès qu’il en a connaissance.
En ce qui concerne l’exécution de l’ordonnance de saisie conservatoire des comptes bancaires en Italie, l’article 5 du D.Lgs. 152/2020 a établi qu’elle soit actionnée selon les modalités établies de l’art. 678 c.p.c. pour la saisie auprès de tiers.
Enfin, le décret législatif précité a également concrétisé la possibilité pour le créancier d’obtenir l’autorisation d’identifier le compte bancaire du débiteur.
En effet, lorsque le créancier a des raisons de croire que le débiteur détient un ou plusieurs comptes auprès d’une banque transfrontalière dont il n’est pas fait mention, pourra saisir l’autorité chargée de l’information de l’État membre d’exécution afin qu’elle soit autorisée à retrouver ces données.
Concrètement, lorsque le créancier français souhaite faire usage de l’ordonnance européenne de saisie conservatoire d’un débiteur italien, La Commission peut, en outre, demander à la juridiction du lieu de résidence du débiteur lui permettant d’identifier le compte courant selon les modalités télématiques visées à l’article 4. 492 bis du Code de Procédure Civile.
Au cas où le débiteur étranger aurait le compte courant en Italie, mais pas aussi la résidence, le domicile, le logement ou le siège, on devra saisir le Président du Tribunal de Rome qui permettra l’acquisition des informations bancaires.
La France, pour sa part, n’est pas intervenue avec des adaptations nominatives particulières, si ce n’est celle introduite par la loi 2019-222 du 23 mars 2019 qui a permis à l’huissier chargé par le tribunal de rechercher des informations relatives aux comptes du débiteur auprès des archives nationales des comptes bancaires et autres.
Il reste donc à voir quels développements jurisprudentiels aura l’application concrète du décret législatif dans le système italien.
Rédigé par…
Avv. Luisa Bergamino
Studio Legale Bergamino
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